L’annonce a été faite en fin de semaine dernière, par le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, qui clôturait une visite de 48 heures au Mali.
C’est finalement sur fond de désaccord avec les autorités maliennes de la Transition que l’Allemagne met fin à la contribution de ses soldats au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Envisagé depuis octobre 2022, ce retrait a été officialisé la semaine dernière par le ministre allemand de la Défense.
L’Allemagne détient le plus important contingent européen au sein de la Minusma avec au moins 655 casques bleus dont 613 hommes et 52 femmes. Son contingent est composé d’une unité de reconnaissance comprenant le drone Heron 1, un escadron d’hélicoptères, des déploiements individuels au quartier général de la mission à Bamako, la capitale du Mali et le pont aérien basé à Niamey, Niger.
Le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius a regretté que le déploiement des forces allemandes se termine désormais ainsi, même si pour lui il ne s’agit pas d’un échec.
Après le Mali, l’Allemagne pourrait renforcer sa présence militaire au Niger qui va d’ailleurs bientôt abriter le lancement d’une opération européenne de lutte contre le terrorisme.
Outre l’Allemagne, d’autres pays ont annoncé le retrait plus tôt que prévu de leurs contingents au sein de la mission onusienne. Il s’agit de la Jordanie, la Suède et le Royaume-Uni de Grande Bretagne et de l’Irland du Nord. Ces pays détiennent des équipes spéciales mobiles dont la Minusma sera privée, la rendant plus vulnérable que jamais face aux attaques et moins dissuasive pour prévenir les massacres contre les civils. Le Bénin et la Côte d’Ivoire sont sur la même lancée.
L’Allemagne comme de nombreux pays occidentaux continuent s’opposent à la collaboration que les autorités de la Transition entretiennent avec la Russie prévoyant un déploiement de quelques éléments armés de ce pays qualifiés de « mercenaires au profit du groupe paramilitaire Wagner». Même si Bamako continuent de soutenir qu’il s’agit d’ « instructeurs » déployés dans le cadre des relations bilatérales. L’Allemagne avait momentanément suspendu ses opérations au Mali au mois d’août dernier en raison de restrictions imposées par les autorités au survol de l’espace aérien par les drones de reconnaissance. Alors que ces appareils sont essentiels pour les Allemands afin de mener leurs opérations en toute sécurité. En juin 2021, au moins 12 casques bleus allemands avaient été blessés suite à l’explosion d’une voiture piégée à proximité d’un camp provisoire proche du village d’Ichagara, dans la région de Gao. D’aucuns avaient allégué que les Allemands n’avaient pas fait recours à ces drones de reconnaissances pour observer les mouvements près de la zone de l’attaque.
C’est en 2022, notamment en juillet, que la situation s’est davantage compliquée avec l’arrestation d’une quarantaine de soldats ivoiriens à Bamako que les autorités considéraient comme des « mercenaires » alors que pour l’ONU, il s’agissait d’ « éléments nationaux de support » (NSE). A ce moment, les autorités maliennes avaient annoncé la suspension de « tous les vols de rotation des unités militaires et policières relevant de la Minusma ». Une décision élargie à tous les autres types d’appareils utilisés par la Minusma dans le cadre de ses opérations. Même si cette décision a été levée, les autorités maliennes ont exigé de la mission onusienne de lui faire parvenir des demandes d’autorisation avant de faire décoller ses appareils. L’Allemagne a plusieurs fois protesté contre cet état de fait. D’où la décision du retrait définitif de son contingent du Mali fin mai 2024.
Cependant, le ministre Boris Pistorius a rassuré « que la coopération bilatérale se poursuivra même après le retrait des Forces allemandes de Minusma ». C’est d’ailleurs ce qui explique la présence dans la délégation allemande de la ministre du Développement, Svenja Schulze. Lors de son arrêt à Gao où sont regroupés les casques bleus de son pays, le ministre allemand a tenu à remercier ces derniers. Avant de déclarer que le « démantèlement et la déconstruction ordonnés » du camp qui les abrite allait maintenant commencer. Une manœuvre militaro-logistique qui va durer entre 9 à 12 mois.
Tracasseries rencontrées par la Minusma
Ce départ des troupes allemands et d’autres de la Minusma, prouve combien sa marge de manœuvre ne cesse d’être réduite en raison de nombreuses difficultés d’ordre logistique et opérationnel. Avec ces retraits annoncés représentent une perte de plus de 2 250 soldats, soit plus de 17 % de l’effectif actuel de la force. Aussi, la Minusma n’a plus accès à certaines zones du pays comme l’est et une partie du centre en raison des restrictions imposées par les autorités maliennes dont les forces armées sont en opération dans ces zones. Cette situation va davantage compliquer la tâche de la Minusma qui demeure la mission onusienne de maintien de la paix la plus meurtrière au monde avec un bilan de plus de 170 soldats de la paix tués et 687 blessés dans des actes d’hostilité depuis juillet 2013. Sur ce chiffre, au moins 103 casques ont été tués et 638 autres blessés suite à plus de 548 attaques à l’engin explosif improvisé (EEI). C’est aussi la mission la plus coûteuse avec un budget annuel de plus d’un milliard de dollars. Avec toutes ces contraintes, la viabilité de la Minusma se pose alors que le prochain renouvellement de son mandat est prévu fin juin 2023.
MD/ac/APA