Les autorités de la République démocratique du Congo ciblent les dirigeants des partis politiques d’opposition, restreignant leurs libertés fondamentales et arrêtant des responsables de partis depuis mai 2023, a déclaré Human Rights Watch (HRW).
En République démocratique du Congo (RDC), les élections générales sont fixées au 20 décembre 2023. A quelques mois du début officiel de la campagne présidentielle, les tensions politiques s’accentuent. Dans une déclaration diffusée ce mardi 18 août, l’ONG Human Rights Watch alerte sur « la répression » dont seraient victimes plusieurs membres de l’opposition.
« La récente vague d’arrestations et de restrictions des libertés fondamentales des autorités congolaises cible les candidats de l’opposition à la présidentielle et leurs hauts responsables », a déclaré Thomas Fessy, chercheur principal sur le Congo à Human Rights Watch, cité par la note.
Selon l’ONG américaine, le 23 mai, la police a empêché le convoi de Moïse Katumbi, chef du parti d’opposition Ensemble pour la République, d’entrer dans la province du Kongo-Central, juste au sud de Kinshasa, où il prévoyait de tenir plusieurs réunions et rassemblements politiques.
Les policiers ont bloqué les véhicules de Katumbi et de ses associés sur instructions du gouverneur de la province, Guy Bandu Ndungidi. Invoquant des raisons de sécurité, Ndungidi avait précédemment demandé à Katumbi de reporter ses projets et d’organiser un voyage d’une journée dans un seul endroit au lieu d’une tournée provinciale, ce qu’il a refusé, précise HRW.
Le 25 mai, rapporte Human Rights Watch, la police a empêché les candidats de l’opposition Katumbi, Martin Fayulu, Delly Sesanga, Matata Ponyo et leurs partisans de se rassembler devant la Commission électorale nationale indépendante. Les autorités leur avaient auparavant ordonné de ne pas y organiser de sit-in pour protester contre ce qu’elles ont décrit comme « le processus électoral chaotique », souligne-t-elle.
L’organisation non gouvernementale affirme avoir déjà documenté la violente répression d’une manifestation pacifique par plusieurs partis d’opposition le 20 mai. Ce jour, soutient-elle, la police a arrêté des dizaines de personnes et en a gravement blessé au moins 30, dont un enfant.
Le 30 mai, des agents des renseignements militaires ont arrêté le principal conseiller de Katumbi, Salomon Kalonda, sur le tarmac de l’aéroport de N’djili à Kinshasa, alors qu’il embarquait sur un vol avec Katumbi et ses associés. Il a été détenu au quartier général des renseignements militaires jusqu’au 10 juin, puis transféré à la prison militaire de Ndolo, à Kinshasa.
S’adressant aux médias le 5 juin, le conseiller juridique du renseignement militaire, le colonel Kangoli Ngoli, a déclaré que Kalonda était accusé de possession illégale d’armes et d’atteinte à la sécurité de l’État. Il a affirmé que le responsable politique avait été en contact avec le groupe armé M23 et ses soutiens rwandais « pour renverser l’administration en place au [Congo] par tous les moyens. »
Le 8 juin, les ministres du gouvernement et les renseignements militaires ont organisé une réunion avec plusieurs ambassadeurs étrangers pour présenter ce que les responsables ont qualifié de preuves étayant leurs affirmations. Le 14 août, Kalonda a été officiellement accusé de trahison ainsi que de réception de documents classifiés et d’incitation du personnel militaire « à commettre des actes contraires à leur devoir. »
Dans sa publication, HRW a également relevé le cas de Chérubin Okende. Député de 61 ans et porte-parole du parti politique de Katumbi, il a été retrouvé mort, blessé par balle, dans sa voiture à Kinshasa le 13 juillet. Le gouvernement congolais a rapidement procédé à deux arrestations, dénoncé cet « assassinat » et annoncé une enquête impliquant « les services étrangers des pays amis » pour garantir la transparence, informe l’ONG.
« L’enquête sur le meurtre d’Okende doit être crédible, impartiale et transparente, et tous les responsables doivent être poursuivis de manière appropriée », a plaidé Human Rights Watch.
La presse pas épargnée
Accusatrice, HRW affirme que dans plusieurs affaires récentes, le système judiciaire congolais et les agences de sécurité de l’État – notamment les services de renseignement, la police et la Garde républicaine – ont agi de manière partisane.
Dans un mémorandum adressé à la Commission nationale des droits de l’homme le 15 juillet, plusieurs groupes de la société civile congolaise ont appelé le gouvernement à mettre fin aux arrestations et détentions arbitraires des services de renseignement.
Selon HRW, la répression gouvernementale a également un impact sur la couverture médiatique des partis politiques d’opposition. L’association Journalistes en danger (JED) s’est déclarée le 31 juillet profondément préoccupée par « la multiplication des actes d’intolérance et de violences physiques contre les journalistes de la part des partisans des partis politiques » dans le cadre de leur couverture d’événements politiques. Le 29 juillet à Kananga, des partisans présumés du parti au pouvoir ont lancé des pierres qui ont touché au moins quatre journalistes et six cameramen couvrant Sesanga, qui a également été touché.
Le Bureau conjoint des Nations Unies aux droits de l’homme a rapporté en août que « l’environnement préélectoral au [Congo] est de plus en plus caractérisé par un rétrécissement de l’espace civique et des violences politiques et électorales, des arrestations et détentions arbitraires, des enlèvements et des menaces visant les opposants politiques, un recours excessif à la justice et à la force contre des manifestants pacifiques, ainsi que des discours de haine et des incitations à la violence. »
Le bureau a averti que de tels abus « risquent de nuire à la crédibilité du processus électoral » et « d’augmenter le risque de violence. »
A en croire Human Rights Watch, le président Félix Tshisekedi, qui brigue un second mandat, n’a manifesté que peu d’intérêt apparent à garantir que tous les partis politiques puissent fonctionner librement.
Le 25 juin, dans un discours prononcé dans la province du Kasaï-Oriental (centre), il a déclaré qu’il « ciblerait sans hésitation ni regret tous les Congolais qui mettraient en danger la sécurité et la stabilité du pays… Peu importe ce que disent les gens : violation des droits de l’homme, privation de libertés, Je n’abandonnerai pas parce que je suis démocrate et je le resterai. Je n’ai aucune leçon à apprendre de qui que ce soit dans ces domaines. »
« Arrêter les proches des dirigeants de l’opposition et les empêcher de se déplacer à travers le pays ou d’organiser des manifestations et des rassemblements envoie un message effrayant à l’approche de la campagne électorale », a déclaré Fessy, invitant le gouvernement à « faire marche arrière, sous peine de risquer une aggravation d’une situation déjà extrêmement tendue ».
ARD/ac/APA