« Je demande à mes fidèles et sympathisants de soutenir cette transition », a déclaré le guide religieux le plus écouté du Mali.
Lors de son dernier prêche dans son fief non loin de Kayes, dans l’Ouest malien, le « Cherif de Nioro » a ouvertement pris la défense des autorités de la transition qui dirige actuellement le Mali. Le religieux prend le contre-pied de l’Imam Mahmoud Dicko, son ex-allié dans le mouvement de protestation populaire qui a conduit en août 2020 à la chute du régime de l’ex-président Ibrahim Boubacar Keita (IBK). La veille l’imam avait critiqué « l’arrogance » des militaires au pouvoir.
Cette sortie de Bouyé Haïdara, l’un des hommes les plus écoutés du pays, constitue un soutien de taille pour le colonel Assimi Goïta dont le régime est soumis à de lourdes sanctions, dont un embargo économique et financier de la part de Cedeao (Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest), à laquelle le Mali est membre.
« Aucun pays n’aime être humilié ou vilipendé par une autre puissance quelconque, quelle que soit la richesse ou la diplomatie de cette dernière. Moi, Bouyé, ma position reste intacte face à ces dirigeants tant qu’ils continuent à sauver l’honneur et la dignité des Maliens. Nous avons été humiliés aux yeux du monde entier à travers nos propres dirigeants », a déclaré, selon un de ses porte-paroles, le guide religieux, de son vrai nom Mohamed Ould Cheikh Ahmed Hamahoullah Haïdara.
A lire aussi Mali: Qui est l’Imam Dicko, «l’homme le plus influent du pays» ?
Pour lui, le Mali doit rester debout et faire bloc malgré les difficultés. « Aujourd’hui, notre pays connaît un régime militaire qui donne un nouvel élan et une nouvelle dignité à son peuple. Raison pour laquelle je réitère, une fois de plus, mon soutien et mon accompagnement à cette transition. Et je demande à mes fidèles et sympathisants de soutenir cette transition », a martelé le fils du saint Cheikh Hamaoulah, fondateur du Hamallisme, une branche de la confrérie soufie de la Tajiniya qui compte des millions d’adeptes en Afrique de l’Ouest et qui s’était rendu célèbre, pour son refus de collaborer avec les autorités coloniales françaises qui l’avaient maintes fois exilé avant de le déporter définitivement dans les années 1940.
Cette sortie du chérif de Nioro tranche nettement avec les dernières déclarations de son ancien allié, l’Imam Mahmoud Dicko, désormais considéré par certains comme le nouveau chef de file de l’opposition malienne. Le peuple malien est « pris en otage » et il est en train de « mourir à petits feux » sous l’effet de « la propagation jihadiste et des pénuries provoquées notamment par les sanctions internationales », avait-il déclaré, le 26 mai 2022, lors de la 22ème édition du Forum de Bamako.
L’Imam Dicko avait aussi pointé du doigt « l’arrogance » des militaires qui sont à couteaux tirés avec la Cedeao sur la durée de la transition. « Le peuple malien est pris en otage par un gouvernement arrogant, je dis bien arrogant ! Et la Communauté Internationale, par leur orgueil, pense que le peuple malien doit être maintenu dans cette situation, mourir à petit feu, assailli par la famine, par l’insécurité, par le jihadisme qu’on n’arrive pas à contrôler, qu’on ne cherche pas à solutionner… »
L’influent imam n’avait pas épargné la classe politique malienne, selon lui, presque réduite au silence face « aux dérives de la junte ». « C’est extrêmement grave : une classe politique moribonde, qui ne bouge pas, qui n’existe plus, une société civile qui a cessé d’exister, il faut le dire, et on est trimbalé, le peuple, entre des gens qui veulent une transition indéfinie (la junte) (et) des gens qui ont des principes (Cedeao) », avait-il fustigé.
CD/odl/Los/APA