A l’image de leurs homologues maliens en 2022, les nouveaux dirigeants putschistes au Niger viennent de dénoncer des accords de défense militaire avec la France.
Les autorités nigériennes ont posé un nouvel acte dans leur bras de fer avec Paris. Dans la nuit du 3 au 4 août 2023, le Comité national pour la sauvegarde de la Patrie (CNSP), la junte militaire au pouvoir depuis le coup d’Etat qui a renversé le 26 juillet Mohamed Bazoum, a, comme le Mali en mai 2022 et le Burkina en mars 2023, dénoncé les accords et protocoles militaires avec la France.
Selon Julien Antouly, doctorant en droit international au Centre de droit international de Nanterre, en France, cette dénonciation concerne cinq accords distincts correspondant à « différents aspects de la coopération et de l’intervention militaire française au Niger ».
Le chercheur français rappelle que l’accord de coopération technique a été signé le 19 février 1977 et avait pour objectif de remplacer l’accord de défense signé au lendemain de l’Indépendance du Niger. Toutefois, le texte était frappé de caducité après le coup d’Etat de 1974 orchestré par Seyni Kountché contre le président Hamani Diori.
Antouly explique, dans un thread (fil de discussion) sur twitter, que cet accord « encadre la coopération militaire et ne concerne pas les opérations, rappelant que l’article 8 organise les missions de forces françaises qui « ne peuvent en aucun cas être associées à la préparation ou à l’exécution d’opérations de guerre ».
« Le CNSP dénonce également deux accords signés en mars et juillet 2013, relatifs à l’intervention de militaires français au Niger pour la sécurité au Sahel », poursuit le chercheur, précisant que le contenu de ces accords qui encadrent juridiquement les interventions des forces françaises n’a jamais été publié. À l’en croire, « l’un d’entre eux est un accord dit SOFA (Status of forces Agreement) » et est similaire aux SOFA en vigueur au Mali et Burkina Faso, dans le cadre de l’Opération Barkhane, jusqu’à leur dénonciation par ces pays sahéliens qui se sont éloignés de Paris dans un contexte de rapprochement avec Moscou.
L’expert français explique que ledit accord prévoit « une liberté de circulation pour le dispositif français » et régit les « règles encadrant le traitement des prisonniers » et confère une immunité de juridiction pour les forces françaises. Dans leur bras de fer avec Paris qui a déjà suspendu son aide au développement et l’appui au budget nigérien suite au coup d’Etat du mercredi 26 juillet contre le président Bazoum, les nouvelles autorités de Niamey ont dénoncé « un arrangement technique signé en 2015 ».
#Niger : le CNSP a annoncé cette nuit la dénonciation de plusieurs accords militaires avec la France. Un long fil pour fournir quelques éléments de contexte et d’explication, et comprendre les conséquences de cette décision ?
— Julien Antouly (@j_antouly) August 4, 2023
Précisant que son contenu n’est également pas encore rendu public, le doctorant français ajoute qu’« il s’agit d’un accord spécifique aux conditions d’implantation de la Base aérienne projetée de Niamey » assimilable à un « centre névralgique des opérations aériennes françaises au Sahel ».
Enfin, « le CNSP a dénoncé le protocole additionnel déterminant le statut des détachements non français de la Force Takuba, signé en 2020 », explique Julien Antouly. Pour lui, la dénonciation de ce protocole « entraîne automatiquement l’annulation des accords spécifiques signés avec d’autres Etats européens, dans le cadre de Takuba ».
Cette Task force n’a pas survécu à la mort de Barkhane d’où la nécessité pour les députés nigériens de débattre en avril, comme le rappelle M. Antouly, des accords militaires, surtout qu’il a été décidé de redéployer une partie des forces françaises dans leur pays. Dans ce cadre, une nouvelle déclaration, « acceptée » par les élus nigériens, indiquait, selon le chercheur français, que « de nouvelles implantations seront créées plus près des théâtres d’opérations ».
La même déclaration ajoutait que ces « implantations et les règles de leur engagement feront l’objet d’accords spécifiques ». Mais jusqu’à ce jour, de nouveaux accords n’ont pas été signés entre les deux pays autour du redéploiement de l’ex-force Barkhane au Niger.
Vendredi 4 aout, la France a réagi, rappelant que « seules les autorités nigériennes légitimes » sont en mesure de rompre les accords de défense liant Paris à Niamey.
AC/odl/APA