Alors qu’elle a longtemps pâti des effets du paludisme, l’Afrique doit multiplier ses efforts pour protéger ses « services essentiels vitaux » contre cette maladie.
Réunis dans la capitale éthiopienne dans le cadre de la publication du Rapport d’étape 2023 de l’Union africaine sur le paludisme, des dirigeants du continent ont indiqué que les progrès vers l’élimination de cette maladie « sont en perte de vitesse ». Malgré « quelques avancées positives » dans la lutte, l’Afrique se trouve confrontée à des « menaces grandissantes » et au « risque d’un regain d’incidence et de mortalité du paludisme ».
« Si nous n’agissons pas dès maintenant, nous risquons de voir grimper la mortalité du paludisme, conséquence de l’insuffisance de fonds, de menaces biologiques et des perturbations climatiques », a déclaré Carlos Pinto Pereira, ministre bissau-guinéen des Affaires étrangères, lisant un discours du président Umaro Sissoco Embaló, également président de l’Alliance des dirigeants africains contre le paludisme (Alma).
« La lutte contre le paludisme n’en offre pas moins une voie viable vers une approche pleinement intégrée, où chaque secteur contribue aux efforts d’établissement de systèmes de santé pérennes et résilients », a-t-il souligné dans un communiqué reçu mercredi à APA. Le document indique que les « insuffisances budgétaires critiques » des programmes de lutte contre le paludisme, liées au malaise financier qui continue de sévir dans le monde, l’impact du changement climatique, la résistance aux insecticides et aux médicaments et les situations humanitaires, suscitent « des crises sans précédent qu’il importe de résoudre de toute urgence si l’on veut éviter une recrudescence du paludisme ».
En effet, le sixième rapport annuel sur les progrès de la lutte contre cette maladie en Afrique fait état d’un profond écart de ressources, en ce que les États membres sont confrontés à un déficit budgétaire chiffré à 1,5 milliard de dollars américains à l’horizon 2026 pour maintenir seulement la couverture actuelle, inadéquate, des interventions essentielles contre le paludisme.
Ce déficit, lié à la crise financière mondiale et au coût accru des produits essentiels requis pour contrer la menace de la résistance, pourrait donner lieu à un « redoublement de la mortalité du paludisme », ramenant le spectre des pires scénarios redoutés au début de la pandémie de Covid-19, expliquent les rapporteurs. De plus, un financement annuel supplémentaire de 5,2 milliards de dollars est nécessaire pour que le continent progresse vers l’élimination, en permettant la pleine mise en œuvre des plans stratégiques nationaux. Les États membres, en collaboration avec les partenaires multisectoriels nationaux et mondiaux, doivent agir rapidement pour combler ces déficits et financer entièrement les plans stratégiques nationaux contre le paludisme, ont-ils recommandé.
En revanche, le rapport reconnaît les investissements sur le long terme et les efforts héroïques déployés par les pays, les partenaires et les agents de santé communautaire, partout en Afrique, aux fins de la lutte contre le paludisme. Le continent africain n’en supporte pas moins toujours un gigantesque fardeau, à hauteur de 94 % de l’incidence totale du paludisme (233 millions de cas) et de 95 % de sa mortalité (580 000 décès). Les victimes le plus lourdement affectées par la maladie restent les enfants : environ 78 % de la mortalité totale du paludisme dans la région concernent les moins de cinq ans, souligne-t-il.
« Les instruments de lutte existants ploient sous la menace de la résistance. Pour retrouver le bon cap, il nous faut ajouter de nouvelles armes à notre arsenal contre le paludisme. Côté positif, nous avons de quoi contrer efficacement ces menaces », a indiqué Minata Samate Cessouma, commissaire à la Santé, aux affaires humanitaires et au développement social auprès de la Commission de l’Union africaine.
« Ces nouveaux atouts sont plus efficaces mais ils coûtent plus cher. La fabrication locale et les efforts d’influence du marché par les États membres et les partenaires peuvent faire baisser certains coûts et rendre les produits abordables et accessibles, au profit ultime d’un plus grand impact », a-t-elle ajouté.
ODL/te/APA