Le Burkina soutient les putschistes nigériens contre d’éventuelles sanctions de la communauté internationale.
Le général Abdourahamane Tchiani a fait sa première apparition publique vendredi matin, déclinant les raisons du coup d’Etat du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP). L’ex-chef de la garde présidentielle a expliqué avoir mis fin à la VIIe République incarnée jusqu’au mercredi 26 juillet par Mohamed Bazoum pour réajuster la stratégie sécuritaire qui, malgré « un discours politique qui veut que tout se passe bien », n’a pas permis de « sécuriser notre pays en dépit des lourds sacrifices consentis par les Nigériens… ». Mais ces arguments n’ont pas convaincu le camp du président déchu.
Deux de ses plus proches collaborateurs, Oumar Moussa et Daouda Takoubakoye, ont répondu en tentant de déconstruire les justifications de la junte au pouvoir.
Sur le « recrutement et le détournement à des fins politiciennes de plusieurs centaines d’éléments FDS en dehors du cadre militaire traditionnel », les deux directeurs adjoints du cabinet du président Bazoum rappellent que « ça s’est passé en 2020 à Diffa, Tahoua et Tillabéry alors que le président Mahamadou Issoufou était à la tête de l’Etat ». « L’idée était de recruter des jeunes des zones où sévit le terrorisme afin de profiter de leur maitrise de la géographie et de leur milieu social », ont-ils argumenté, ajoutant que le général Salifou Mody, membre du CNSP qui a évincé le successeur d’Issoufou à la tête du Niger, avait béni la démarche au lendemain de sa nomination comme chef d’Etat-major des armées. A les en croire, la réussite de l’opération avait décidé le général Mody à recruter « un contingent de 500 militaires issus des mêmes communautés en 2023 à Diffa ».
Au sujet des chefs terroristes libérés de manière extrajudiciaire, les auteurs de la missive largement partagée sur les réseaux sociaux, précisent qu’il s’agit de sept personnes dont les dossiers judiciaires étaient vides.
La Communauté internationale se fait entendre
En plus de ce front, les nouveaux maîtres de Niamey doivent faire face à une mobilisation internationale sans commune mesure contre leur coup de mercredi. Déjà, la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) envisagerait des sanctions économiques à l’issue de son sommet extraordinaire prévu dimanche à Abuja.
Eprouvée ces dernières années par les coups d’Etat au Mali, en Guinée et au Burkina, l’Institution sous-régionale semble vouloir montrer de la fermeté. Envoyé spécial de la Cédéao à Niamey, le président béninois Patrice Talon a indiqué que « tous les moyens seront utilisés au besoin » pour le rétablissement de l’ordre constitutionnel même si un règlement du conflit par la négociation est prioritaire.
Le sommet des dirigeants ouest-africains est scruté par la communauté internationale. Le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine qui s’est réuni vendredi 28 juillet dit attendre « avec intérêt les conclusions » de la rencontre de la Conférence des Chefs d’Etat de la Cédéao.
L’Union européenne va plus loin. Son haut représentant, Josep Borrell, qui dit ne pas reconnaitre les nouvelles autorités de Niamey, affirme que l’UE est prête « à soutenir les décisions à venir de la Cédéao, y compris l’adoption de sanctions ».
De son côté, le Quai d’Orsay a annoncé, samedi 29 juillet, la suspension, avec effet immédiat, de toutes les actions de l’aide française au développement et d’appui budgétaire au Niger, estimés à plus de 100 millions d’euros en 2022.
Le Secrétaire d’État américain Antony Blinken a exprimé, au cours d’un entretien téléphonique avec son homologue français, son inquiétude face aux évènements en cours au Niger et de la nécessité de rétablir le président Bazoum en tant que président démocratiquement élu.
Présent à Saint-Pétersbourg dans le cadre du deuxième sommet Russie-Afrique, le président de la transition du Burkina a appelé à soutenir le CNSP nigérien. Pour le capitaine Traoré, également arrivé au pouvoir par la force, les auteurs du coup d’État au Niger ont pris leurs responsabilités. Une manière pour le jeune officier de répondre au clin d’œil lancé par son ainé qui, dans son discours de samedi, a décrié l’approche sécuritaire consistant à exclure le Burkina et le Mali dans la lutte contre le terrorisme, notamment dans le Liptako-Gourma où les trois pays font face à une insurrection jihadiste.
AC/APA