Pur produit de l’école coranique*, le maire depuis 2022 de Kaolack, grande ville du Centre du pays, brigue le suffrage des Sénégalais en misant sur un triptyque : dàara ji (le savoir), töl bi (le travail) et pénc mi (la démocratie).
Serigne Mboup, pour la première fois de sa vie, participe à l’élection présidentielle. Le rendez-vous d’un Homme avec son peuple. Né le 28 novembre 1966 à Kaolack, ce « directeur de sociétés », fonction inscrite sur son bulletin de vote, a fréquenté à bas âge l’école primaire arabe de son quartier Ndorong Ocass.
Après cette initiation, Serigne Mboup a fait ses humanités, à partir de 1976, au célèbre daara de Koki (Louga, Nord-Ouest), un creuset de l’enseignement coranique fondé en 1939 par l’érudit Ahmadou Sakhir Lô.
Bara Mboup, le père de Serigne, commerçant de son état, à l’adolescence de son rejeton, a voulu préparer la relève. C’est ainsi qu’il a décidé de l’emmener à Sandaga, cœur battant du négoce à Dakar, pour le former à la vente de produits alimentaires, électroniques, etc.
À sa mort en 1992, Serigne, ayant acquis de solides compétences en gestion, prend les rênes de l’entreprise familiale. Très vite, son sens des affaires permet à la société de diversifier ses activités de l’alimentation à l’industrie, en passant par l’électronique, l’automobile, la logistique, la finance et l’agriculture.
CCBM GROUP, comprenez Comptoir Commercial Bara Mboup, créé en 1992 sur les bases de la boîte familiale, est aujourd’hui l’un des acteurs économiques privés à capitaux sénégalais les plus dynamiques. La galaxie CCBM se targue d’avoir créé plus de 1000 emplois directs permanents et 15.000 emplois indirects.
Le candidat de la coalition « And nawlé, and liguey » (Ensemble, dans le respect et le travail, en langue wolof), ces dernières décennies, a effectué cinq constats : Notre société s’éloigne progressivement du civisme et de nos valeurs fondamentales, entraînant une perte des repères ; La valeur du travail disparaît ; Le non-respect de la parole donnée et des engagements se banalise ; Le patriotisme et la préférence nationale font défaut dans les appréciations des choix économiques et sociaux ; Notre jeunesse sans emploi ni espoir tente inlassablement de quitter le pays par la mer et les airs, avec des conséquences dramatique.
De ce fait, M. Mboup a bâti son programme à l’horizon 2034 autour de trois axes pour « un avenir radieux, transformateur et inclusif ».
Daara ji : éducation, valeurs et qualité de vie pour tous
S’inspirant de sa trajectoire, Serigne Mboup a pour objectif de « favoriser l’éclosion d’un Sénégalais de type nouveau bien préparé à s’insérer dans la vie active et à contribuer pleinement au développement national, disposant d’une bonne santé, d’une bonne alimentation, d’une bonne protection sociale et d’une bonne qualité de vie, à toutes les étapes de la vie. »
Pour y arriver, le propriétaire du Centre commercial Touba Sandaga, implanté au cœur de Dakar et inauguré en 2001 par le président d’alors Abdoulaye Wade, s’est engagé à « assurer une éducation de qualité pour tous, à promouvoir les valeurs positives ancestrales, le civisme, la citoyenneté ainsi que le patrimoine culturel national, à garantir l’accès universel aux soins de santé, à refonder le socle social, à promouvoir l’autonomisation de la femme, la jeunesse, le sport et les loisirs, et à assurer un accès universel à l’eau potable, à l’électricité, à l’habitat et à un cadre de vie propre. »
Comme mesures concrètes, il y a « la systématisation de l’enseignement dans les langues nationales dans les premières années du primaire, l’introduction des technologies de l’information et de la communication et de l’intelligence artificielle dès l’enseignement primaire, la réorientation et la diversification des formations universitaires pour favoriser l’employabilité immédiate des apprenants, l’orientation d’au moins 30 % des bacheliers dans les instituts supérieurs d’enseignement technique et professionnel qui seront construits dans les différents départements du pays, et la mise en place d’une charte d’éthique et de citoyenneté dans toutes les administrations. »
Mais également « l’orientation de la moitié des élèves, issus de la classe de 3e des collèges d’enseignement moyen, dans les centres de formation professionnelle et technique construits dans tous les départements du pays, la signature d’un pacte de performance dans le milieu scolaire avec les organisations syndicales d’enseignants, la mise en place d’un hôpital de catégorie 4 au minimum dans chaque capitale régionale et de catégorie 3 au minimum dans chaque capitale départementale, le soutien du développement d’une industrie pharmaceutique nationale orientée sur la production des médicaments génériques essentiels, la généralisation de l’assurance maladie en la rendant obligatoire, la construction d’un million de logements sociaux ou aménagement de terrains viabilisés, dans les différents villes et villages du pays, sur les cinq prochaines années. »
Töl bi : accélération du développement durable et souveraineté économique
Ici, Serigne Mboup vise « une rupture dans la dynamique de croissance économique du Sénégal pour accroître la production, maîtriser l’économie, éradiquer la pauvreté, créer massivement des emplois sur tout le territoire national et inscrire définitivement le Sénégal parmi les pays émergents. »
Dans le but de donner corps à cette vision, le candidat dont le slogan de campagne est « Yoku ba yëk ko » (prospérité réelle) compte dans le secteur agricole augmenter les ressources afin de réussir « la mise en œuvre d’un programme de développement de la mécanisation et de renforcement du capital semencier de qualité. »
Pour l’élevage, il envisage de construire « de grandes fermes collectives à travers le pays, en partenariat avec le secteur privé, pour permettre aux acteurs d’accéder, dans un même lieu, à l’eau, à des services de santé vétérinaire et de conseil en production animale, ainsi qu’à des infrastructures de collecte de lait. Certaines de ces fermes pourront accueillir des usines de pasteurisation du lait. »
En ce qui concerne l’industrie, l’artisanat et le commerce, M. Mboup prône entre autres le « patriotisme économique dans tous les choix de l’État », la « consolidation d’un secteur privé national fort avec le renforcement et la création de champions nationaux », l’« extension du projet des Maisons de l’outil pour les artisans », la « protection des produits artisanaux pour lesquels le pays possède un énorme potentiel (meubles en bois, chaussures, etc.) », la « promotion de la transformation des produits agricoles cultivés localement », la « réglementation de l’exportation des matières premières », et la création d’ « une Zone économique spéciale ou Zone industrielle dans chaque département. »
Il entend lutter contre l’inflation, mais aussi tenir des états généraux sur le pétrole, le gaz et les mines pour que la nation bénéficie des retombées de ses ressources naturelles. Le chef de file de « And nawlé, and liguey », pour asseoir le développement du Sénégal, annonce un chemin de fer à écartement standard avec les connexions Tambacounda – Guinée – Guinée Bissau ; Kaolack – Gambie – Ziguinchor ; Dakar – Louga – Saint-Louis – Matam ; Dakar – Louga – Linguère – Matam ; Dakar – Diourbel – Touba – Linguère.
Pénc mi : État de droit, bonne gouvernance et sécurité
Le Sénégal est à la croisée des chemins. La refondation de la République est un thème commun à presque tous les candidats à la magistrature suprême. Serigne Mboup, de son côté, veut « renforcer les institutions pour garantir la démocratie, la liberté, l’indépendance de la justice, la sécurité, le développement durable et la transparence », « réduire les disparités entre les territoires et localités du pays à travers une décentralisation et un aménagement harmonieux du territoire national » et « faire du Sénégal un moteur de l’intégration régionale en Afrique et un acteur dynamique de la concorde entre les nations du monde ».
Dans cette optique, le candidat âgé de 57 ans prévoit d’actualiser et de mettre intégralement en œuvre et sans délai la charte des Assises nationales (2008 – 2009) incluant une réforme des institutions. Guidé certainement par le principe de la séparation des pouvoirs, le successeur de Mariama Sarr à la mairie de Kaolack planifie la suppression du ministère de la Justice qui sera remplacé par une Haute Autorité de Justice. « Cet organe est le garant de la bonne marche de la justice, avec une indépendance au niveau des procédures de fonctionnement et de nomination. Les membres de cette autorité ne seront pas nommés mais élus par un collège dont les modalités seront discutées par tous les acteurs », explique-t-il.
De plus, à en croire Serigne Mboup, les présidents de la République et de l’Assemblée nationale ne désigneront plus les membres du Conseil constitutionnel. Ils seront élus par un collège comprenant des magistrats, des élus locaux, des avocats, des députés et des représentants de la société civile. Pour protéger davantage les citoyens, s’il est élu au soir du 24 mars prochain, « un juge des libertés et des droits humains sera désigné par la Haute Autorité de la Justice. »
Afin de rationaliser les dépenses publiques, selon les dires de M. Mboup, le Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) et le Haut Conseil des Collectivités Territoriales (HCCT) seront supprimés de l’architecture institutionnelle. Et une Chambre consulaire nationale, avec des antennes régionales, mise sur pied.
Le directeur de sociétés, décidé à consacrer son éventuel mandat présidentiel au travail, prend l’engagement de ne pas être chef de parti politique ou membre d’une quelconque association durant l’exercice de ses fonctions. Dans le même ordre d’idées, dit-il, les ministres, Directeurs Généraux d’entreprises publiques et de grandes administrations ne pourront non plus exercer des activités politiques ou appartenir à une formation politique.
ID/ac/APA