L’Organisation des nations unies est « profondément préoccupée » par l’évolution de la situation des droits de l’Homme au Sénégal et voit « un sombre précédent » dans l’usage d’armes à feu par les forces de l’ordre contre des manifestants.
Les violentes émeutes ayant causé des pertes en vies humaines entre le 1er et le 3 juin au Sénégal continuent de provoquer de vives réactions à l’international. Dans un communiqué diffusé ce mardi 13 juin, le Haut-Commissariat de l’Onu aux droits de l’Homme (HCDH) invite Dakar à diligenter une « enquête indépendante » sur la mort, par balle, de plusieurs manifestants.
Les services du Haut-Commissaire Volker Türk affirment avoir pris note de la décision des autorités sénégalaises d’ouvrir des enquêtes. « Nous demandons de veiller à ce que celles-ci soient rapides, indépendantes et approfondies », a déclaré, lors d’une conférence de presse régulière de l’Onu à Genève, la porte-parole du HCDH, Seif Magango, citée dans le document.
Pour l’Onu, souligne la note, il s’agit de faire en sorte que toute personne reconnue responsable « d’un usage inutile ou disproportionné de la force rende des comptes, quels que soient son statut et son appartenance politique ». A ce sujet, le Haut-Commissariat s’est dit prêt à offrir l’assistance sur ces enquêtes, poursuit le communiqué.
Le HCDH déplore un « sombre précédent » dans l’usage d’armes à feu contre les manifestants
Du 1er au 3 juin, le Sénégal a été en proie à ses pires troubles depuis des années après la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme « pour corruption de la jeunesse ». L’annonce de ce verdict a déclenché des violences qui ont fait officiellement 16 morts, mais l’ONG Amnesty International estime à 23 le nombre de décès.
Pour sa part, le Haut-Commissariat évoque « au moins » 16 personnes tuées, 350 blessées et plus de 500 arrêtées lors de trois jours de manifestations.
Dans sa publication, le Haut-Commissariat s’est également dit préoccupé par « la poursuite des restrictions » à la liberté d’expression et de réunion pacifique.
Depuis les manifestations du 3 juin, les autorités ont refusé d’autoriser au moins deux autres rassemblements, dont celles prévues vendredi et samedi derniers. Pour l’Onu, il est de la responsabilité première des autorités sénégalaises de préserver le respect de longue date du pays pour les traditions démocratiques et l’État de droit.
Le HCDH demande donc à Dakar de garantir les droits à la liberté de réunion pacifique et d’expression, ainsi que le droit à l’information. Il s’agit aussi de veiller à ce que les journalistes puissent exercer leur profession librement et en toute sécurité, en particulier à l’approche de l’élection présidentielle de 2024
Suspension de la chaîne privée Walfadjiri TV
« Nous sommes également préoccupés par la poursuite des restrictions à la liberté d’expression et de réunion pacifique à la suite des manifestations », a encore souligné le Haut-Commissariat.
Il évoque en particulier le cas de Walfadjiri TV, une chaîne privée qui couvrait les manifestations en direct et dont le signal a été suspendu le 1er juin « sans justification légale claire et n’a toujours pas été rétabli à ce jour ».
Le gouvernement a également ordonné la suspension d’une campagne de financement par la foule destinée à soutenir le groupe de presse dakarois « pendant la période où il ne peut pas fonctionner », a ajouté M. Magango.
De plus, déplore le HCDH, l’accès aux services Internet mobiles a également été restreint entre le 1er et le 6 juin. Ces restrictions, qui avaient été justifiées par le gouvernement pour mettre fin à « la diffusion des messages haineux et subversifs, doivent être fondées sur une loi sans ambiguïté et accessible au public », estime l’organisation multilatérale.
« Ces restrictions doivent être nécessaires pour atteindre un objectif légitime, tel que défini dans la législation sur les droits de l’homme, et être proportionnelles à cet objectif légitime et non discriminatoires », soutient-elle.
Le HCDH réaffirme sa volonté de continuer à travailler avec le gouvernement sénégalais, la société civile et d’autres partenaires pour renforcer la protection des droits de l’homme dans ce pays d’Afrique de l’Ouest.
ARD/ac/APA