L’Union européenne estime que le Rwanda sera une plaque tournante dans le domaine des minerais.
Une brouille diplomatique semble s’installer petit à petit entre l’Union européenne (UE) et la République démocratique du Congo (RDC), suite à la signature, le 21 février, d’un protocole d’accord entre Bruxelles et Kigali visant à intégrer des chaînes de valeur durables pour les matières premières critiques et stratégiques.
Le protocole d’accord, signé par Jutta Urpilainen, commissaire européenne aux partenariats internationaux, et Vincent Biruta, ministre rwandais des Affaires étrangères, cherche à établir une coopération étroite entre les deux entités pour assurer le bon fonctionnement et la durabilité des chaînes de valeur des matières premières, ainsi que pour soutenir la diversification économique.
Selon le communiqué de l’UE, cet accord vise également à mobiliser des fonds pour le déploiement des infrastructures nécessaires au développement des chaînes de valeur des matières premières, tout en améliorant le climat d’investissement et en favorisant la recherche, l’innovation et le partage de connaissances et de technologies liées à l’extraction et à la valorisation des matières premières. « Le Rwanda est fermement engagé à garantir un avenir prospère et durable à ses citoyens et à la planète. Notre partenariat avec l’UE contribuera grandement à y parvenir », a déclaré M. Biruta.
Cependant, la réaction du gouvernement congolais ne s’est pas fait attendre. Le ministre congolais de la Communication et des médias, porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a exprimé son étonnement sur les réseaux sociaux, soulignant l’apparent paradoxe de voir l’UE signer un tel accord avec le Rwanda, un pays accusé de graves violations des droits humains et de trafic de minerais provenant de la RDC.
Felix Tshisekedi, le président congolais réélu pour un second mandat lors des élections de décembre, a également critiqué l’UE, comparant l’achat de minerais en provenance d’un pays receleur à un acte de complicité dans le pillage des richesses congolaises. Christophe Lutundula Apala, ministre congolais des Affaires étrangères attend « une clarification de ce comportement ambigu alors qu’elle ne cesse d’affirmer sa volonté de contribuer à la fin de la crise à l’est ainsi qu’à l’exploitation de nos richesses naturelles ».
La réaction ne s’est pas limitée aux cercles politiques. Le chirurgien gynécologue Dr Denis Mukwege, candidat malheureux aux élections présidentielles, a vivement critiqué l’UE, dénonçant un « cynisme géostratégique et des doubles standards qui sapent la crédibilité des institutions internationales ». Mukwege souligne le lien entre l’exploitation minière et les conflits persistants dans l’est de la RDC, affirmant que le commerce illégal des minerais est une cause profonde de violence et de violations des droits humains dans la région depuis des décennies, sans oublier de pointer du doigt le rôle du Rwanda dans la dégradation de la sécurité dans l’est du pays. Kigali est accusé par Kinshasa d’instrumentaliser le M23, un groupe rebelle, pour déstabiliser l’est de la RDC.
En expliquant le contexte de cet accord avec le Rwanda, l’UE met en avant le potentiel économique du pays dans le secteur de l’extraction minière, notamment dans la production de tantale, d’étain, de tungstène, d’or, de niobium, de lithium et de terres rares, des minerais utilisés dans la fabrication d’appareils électroniques.
L’UE estime que le Rwanda, avec son environnement favorable aux investissements et son état de droit, a la capacité de devenir une plaque tournante dans la création de valeur ajoutée pour les minerais.
AC/APA