L’annonce du report de l’élection présidentielle initialement prévue le 25 février a plongé le Sénégal dans la confusion. Un dialogue serait envisagé entre le président Macky Sall et ses opposants dont Ousmane Sonko.
Ces derniers jours, la capitale sénégalaise Dakar ainsi que plusieurs régions du pays ont été le théâtre de plusieurs manifestations. Ces événements font suite à l’annonce le 3 février par président sortant Macky Sall du report sine die de la Présidentielle à trois semaines de l’échéance, suivie d’un vote des députés fixant le scrutin au 15 décembre prochain.
Plusieurs hommes politiques, figures de la société civile, et acteurs économiques se sont joints aux protestations, réclamant la tenue du scrutin à la date initialement prévue.
Si l’organisation de l’élection présidentielle à la date du 25 février semble désormais incertaine, l’espoir d’une sortie de crise repose de plus en plus sur un dialogue inclusif, appelé d’ailleurs de ses vœux par le président Macky Sall lors de son allocution surprise du 3 février.
Le chef de l’Etat envisage une table ronde réunissant l’ensemble des acteurs politiques, y compris son principal opposant, Ousmane Sonko, actuellement détenu.
Contacté par APA News, Alioune Tine, l’un des « facilitateurs », n’a pas souhaité s’exprimer. De son côté, l’influent architecte Pierre Goudiaby Atepa, a affirmé avoir eu des échanges avec le président Macky Sall et l’opposant Ousmane Sonko dans le but de trouver une issue à la crise actuelle. Goudiaby a ajouté avoir abordé avec le chef de l’État la possibilité de tenir des élections fin mai. Quant à Ousmane Sonko, le célèbre architecte explique qu’il n’est pas opposé à une décrispation, mais préfère consulter ses partisans tout en tout en demandant à ce que ses supporters emprisonnés soient relâchés. Selon Goudiaby, le président ne serait pas opposé à une telle idée.
Le dialogue envisagé, s’il a lieu, devrait aborder des questions d’une importance capitale pour l’avenir du pays: date de la nouvelle élection présidentielle, réformes du système électoral, statut d’Ousmane Sonko, la libération des prisonniers politique, etc.
Les réactions mitigées au dialogue
L’idée d’un dialogue entre les deux leaders suscite des réactions mitigées au sein de leurs camps respectifs. D’un côté, certains y voient une opportunité de désamorcer la crise et de trouver un consensus sur les questions cruciales en jeu. De l’autre, on craint que ce dialogue ne soit qu’une manœuvre de la part du président Sall ou une tentative de Sonko de tirer profit de la situation.
Dans une tribune parue ce jeudi 15 février 2024, plusieurs intellectuels sénégalais dont l’universitaire et ancien ministre Abdoulaye Bathily se demandent d’ailleurs : « De quel dialogue parle-t-on ? ».
« Nous ne sommes ni farouches guerriers aveugles refusant tout dialogue, ni des saints naïvement pacifistes disposés à dialoguer quelles que soient les conditions. Se diviser sur cette base en partisans et adversaires du dialogue, c’est ajouter de la confusion à la confusion qu’évoque Macky Sall pour justifier son décret d’abrogation », déclarent les soixante-douze signataires.
Pas tendres avec le chef de l’Etat, ces intellectuels estiment que « tout dialogue sérieux avec Macky Sall exige dans la situation actuelle de nécessaires préalables : libération des détenus politiques, arrêt de toutes les restrictions et violations contre les libertés publiques, retour à l’ordre démocratique. »
Autrement, affirment-ils, « tous les secteurs essentiels du peuple actuellement engagés dans la sauvegarde de la démocratie et de l’Etat de droit pourront et devront promouvoir ensemble un dialogue alternatif. »
Plus réticent, certains opposants comme Thierno Alassane Sall déconseillent toute idée de dialogue avec les dirigeants actuels. « Accepter l’amnistie par le dialogue, c’est faire le choix de trahir les intérêts du Sénégal », affirme le leader du parti La République des valeurs.
Le Collectif des familles des « détenus politiques » est également monté au créneau pour fustiger toute idée d’amnistie qui sortirait de ce dialogue. A l’image de quelque 700 professionnels du développement rural, il appelle au respect du calendrier électoral. Car, « le prolongement du mandat de Macky Sall est égal au prolongement de la durée carcérale des détenus politiques. »
Des candidats recalés par le Conseil constitutionnel à l’élection présidentielle, membres du Front démocratique pour une élection inclusive (FDPEI), appellent, eux, le président Macky Sall à organiser une concertation nationale en lieu et place du dialogue national annoncé. Ils proposent de mettre l’accent sur la révision de la loi électorale.
« Au président de la République, nous lançons un appel à organiser dans les meilleurs délais, non pas un dialogue national, mais une concertation nationale sur la réforme de la loi électorale et des institutions chargées de sa mise en œuvre, et la relance du processus de l’élection présidentielle », a déclaré l’ancien chef de la diplomatie sénégalaise Cheikh Tidiane Gadio, leader du Mouvement panafricain et citoyen Luy Jot Jotna.
Réunis en conclave, ce jeudi, à Diourbel (Centre), les membres de l’association nationale des chefs de village ont appelé tous les acteurs de la société sénégalaise à participer au dialogue national inclusif initié par le président Macky Sall.
« Je demande à tous les Sénégalais, aux membres du parti au pouvoir comme de l’opposition, à toutes les différentes ethnies et religions, à toutes les forces vives du pays, de participer au dialogue demandé par le président de la République son excellence Macky Sall », a lancé Major Mamadou Faye, président de l’association.
M. Faye a souligné l’importance de ce dialogue pour la paix et la réconciliation nationale. « Cette rencontre pour le dialogue, pour la restauration de la paix, permettra de nous communier, de nous serrer la main religieusement, pour une réconciliation nationale durable, dans le respect de la Constitution et de l’Etat de droit », a-t-il dit.
ARD/Los/ac/APA