Les excuses présentées récemment par le roi des Pays-Bas, Willem-Alexander, pour le rôle joué par son pays dans l’esclavage ont suscité des appels pour que les pays africains et les descendants d’esclaves demandent des réparations aux anciennes puissances coloniales qui ont profité de l’exploitation des personnes déplacées de force du continent.
Lors d’un événement organisé le 1er juillet pour commémorer le 160ème anniversaire de l’abolition de l’esclavage dans le pays et dans ses anciennes colonies des Caraïbes, le roi des Pays-Bas a demandé pardon pour « l’incapacité manifeste d’agir » contre l’esclavage, qu’il a qualifié d’« horreur » et de « crime contre l’humanité ». Il a admis que le monarque n’avait rien fait pour mettre fin à l’esclavage.
Les Pays-Bas sont devenus une grande puissance coloniale après le XVIIè siècle, détenant des territoires dans le monde entier, et les marchands d’esclaves néerlandais ont vendu plus de 600.000 personnes.
Le discours du roi fait suite aux excuses présentées par le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte en décembre 2022 pour le rôle joué par le pays dans la traite négrière et l’esclavage.
Ces excuses s’inscrivent dans le cadre d’une réflexion plus large sur l’histoire coloniale de l’Occident, suscitée ces dernières années par le mouvement antiraciste « Black Lives Matter » (la vie des noirs compte).
Toutefois, certains critiques ont fait valoir que ces excuses n’étaient pas suffisantes et que les pays africains et les descendants d’esclaves devraient exiger des compensations pour les siècles d’oppression, d’exploitation et d’injustice qu’ils ont subis de la part des colonisateurs européens.
Ils soulignent que l’esclavage a enrichi les Pays-Bas et d’autres pays occidentaux, tout en appauvrissant et en sous-développant l’Afrique.
« L’Afrique et la diaspora africaine devraient tirer parti des récentes reconnaissances d’actes répréhensibles par les pays occidentaux et exiger des réparations », a reclamé Donald Porusingazi, analyste politique basé à Harare.
Il appelle l’Union africaine à « faire preuve de leadership en préconisant un processus consultatif qui verrait les pays occidentaux impliqués dans la traite des esclaves indemniser les descendants modernes de ceux qui ont été touchés par l’esclavage ».
Une étude récente a révélé que les dirigeants néerlandais ont reçu l’équivalent de 595 millions de dollars en monnaie d’aujourd’hui entre 1675 et 1770 des colonies où l’esclavage était pratiqué.
M. Porusingazi a déclaré que les excuses du roi néerlandais pour l’esclavage ont ouvert un espace de dialogue et de débat sur les réparations pour l’Afrique.
L’analyste a ajouté que les réparations étaient une question de justice et de droits de l’homme, et qu’elles pouvaient contribuer à guérir les blessures de l’histoire et à favoriser la réconciliation et le développement.
selon lui, les réparations pouvaient prendre diverses formes, telles que des paiements financiers, l’annulation de la dette, la restitution des terres, la reconnaissance culturelle, les possibilités d’éducation et la représentation politique.
« Par exemple, une UA alerte et politiquement astucieuse pourrait utiliser la question des réparations pour étayer son argument en faveur d’un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies », a continué M. Porusingazi.
Toutefois, certains défis et obstacles subsistent pour ceux qui cherchent à obtenir des réparations.
M. Porusingazi estime que le manque de volonté politique et de cadres juridiques constitue un obstacle majeur aux efforts déployés pour résoudre ce problème, tant en Afrique que dans les pays occidentaux.
Les Pays-Bas n’ont offert aucune compensation aux descendants des personnes réduites en esclavage et ont créé un fonds de 217 millions de dollars pour financer des initiatives visant à lutter contre l’héritage de l’esclavage.
D’autres anciennes puissances coloniales, telles que la Grande-Bretagne, la France et le Portugal, ont également refusé de verser des réparations.
La difficulté de quantifier et d’allouer les réparations constitue un autre défi. Quel est le montant à payer ? Qui doit les payer ? Qui doit les recevoir ? Comment les sommes décaissées doivent-elles être distribuées ?
« Ce sont des questions complexes qui nécessitent des recherches approfondies, des négociations et un consensus », a préconisé M. Porusingazi.
À l’en croire, l’esclavage a laissé un héritage durable de racisme, de discrimination et d’inégalité qui continue d’affecter les Africains et leurs descendants dans le monde entier.
Il a cité des exemples tels que les brutalités policières, les incarcérations massives, le manque d’éducation, les disparités en matière de santé et le manque de représentation dont souffrent les personnes d’ascendance africaine dans les pays occidentaux.
JN/fss/ac/APA